II,6
Après les calages de personnages, mise en place des premiers bouts de scènes. Et là, au deuxième jour, la II, 6.
Pour ceux de mes lecteurs qui, mystérieusement, ignoreraient de quoi il s’agit c’est dans l’acte II, chez Ragueneau, le moment où Cyrano reçoit la visite attendue de Roxane, qui a demandé à le voir. Il a préparé sa lettre de déclaration d’amour et va apprendre… que Roxane aime, un homme qui sert dans la compagnie de Cyrano[1], le beau Christian. Les espoirs du Gascon s’effondrent donc d’un coup.
La scène est déterminante pour l’ensemble de l’histoire. Cyrano promet alors à Roxane de protéger Christian, ce qu’il fera jusqu’à l’absurde.
Rentrer là-dedans, sentir son cœur à soi, à ce moment devenu celui du personnage, se serrer d’entendre l’aimée dire Je vous aime bien
, n’est pas entièrement anodin. Quelque chose meurt en lui à cet instant. Et derrière la tête du comédien, l’idée que je vais retrouver cette détresse-là à chaque représentation – faut-il être maso.
À l’arrêt de jeu (que je n’aurai pas en représentation) il y a un souffle à reprendre…
Tout attraper
L’occasion est belle de vouloir tout savoir quand on s’attaque à ce genre d’engin. Connaître toute l’œuvre de Rostand[2] et surtout, surtout, se documenter sur le personnage qui a inspiré une œuvre telle… qu’elle a totalement escamoté son modèle[3] !
Je me rappelle, il y a quelque temps, avoir feuilleté sur Gallica son Histoire comique des états et empires de la Lune et du Soleil. Je vous tiendrai au courant de mes picorages, si quelque chose de chouette en sort.
Mais au fait, je joue trois fois demain, moi !
Dodo. À tout bientôt.
Notes
[1] les cadets de Gascogne, donc
[2] bon, j’ai quand même dû voir deux Chantecler (sans compter Rock-o-rico) et je n’ai pas été emballé, mais ça ne doit pas m’empêcher de lire L’Aiglon, que personne n’ose plus jouer aujourd’hui.
[3] dont, par exemple, il ne paraît pas certain qu’il eut un nez si excessif
1 De Anne -
Jusqu’à l’absurde ? J’ai toujours vu ça comme une façon pour que le bout de lui ne meure pas complètement après le “je vous aime bien”. Et ça donne bien la démesure de son amour pour elle, ça oui !
People fact : la toute première représentation a déclenché une vingtaine de minutes d’applaudissements ininterrompus. A la grande surprise de Rostand.
Je t’en (vous en) souhaite le double !
Ps : rassurant le coup du nez pas si… :-)
2 De François Granger -
Jusqu’au sublime ;-)
En même temps, dans le cadre créé par Roxane, il se fera du bien quand même…
3 De Noé -
Alors l’absurde, pour moi, je précise, ce sont les 15 ans qui suivent ou Cyrano protège la mémoire de son ami, pas le stratagème délirant et, oh le vilain mot, intéressé. Et, bien, sûr, c’est qui amène la dimension tragique de cette pièce multipiste (drame, comique et tragédie s’y entremêlent incroyablement) – et c’est donc sublime.
Je doute qu’on trouve encore un public capable d’applaudir 20 minutes, mais merci de ton optimisme, Anne ^^
4 De Anne -
Sans déflorer d’ultérieurs sujets, je ne suis pas sûre qu’il ne fasse QUE protéger la mémoire de son ami. D’une certaine façon, il se protège lui (d’avoir participé à une mystification, de ne pas se confronter à la réalité, entre autres).
Du coup, jusqu’à il y a assez peu de temps, j’aurais opté pour absurde, sans doute. Aujourd’hui j’ai un œil un peu plus impitoyable sur ces hommes qui, au fond, trouvent les plus nobles raisons du monde pour ne pas tout à fait vivre leur vie comme ils l’auraient pu, mettons !!!
Mais Cyrano le fait avec une telle flamboyance que je lui pardonne beaucoup.
5 De Noé -
On peut largement trouver ambigu les choix de Cyrano, mais absurde n’est pas que positif sous mon clavier. Je n’hésiterai probablement pas à lui donner tort – sinon, j’en serai spontanément resté au sublime de François.
Il y a, dans ce qui me bouleverse dans la pièce, une belle dose de
:-D6 De Anne -
M’en parle pas ! ^_^
7 De François Granger -
C’est claire que ce qui domine **à la fin** c’est le “c’est trop con”. Mais avant celà, il y a toutes les motivations, pas évidentes pour entretenir ce secret si longtemps.
Relisez un peu cet acte ou Cyrano demande à Roxane sur quoi elle va faire parler Christian… Et soyez attentif à cette peinture en contrepoint d’une précieuse et de son univers. Et replongez vous dans notre amis Molière et ses précieuses ridicules…
Et la timidité…
Le Professeur François a parlé ;-)
8 De Noé -
Ce qui me plaît le plus, dans cette affaire, c’est la passion de mes lecteurs pour ce héros que je savais n’être pas seul à connaître, mais dont je découvre la vraie popularité (pressiooooooon).
Et je n’ai pas dit ou suggéré qu’on n’était que dans l’absurde ou le
. Mais bien qu’on y vient, au terme d’un itinéraire alambiqué qui passe par la lune et Arras (alors même que les travaux de l’autoroute A1 n’ont pas commencé à l’époque des faits) !Et pour ce qui est du début de l’Acte III, que j’ai relu avant de te répondre, je ne vois pas une précieuse, mais une mondaine de son temps – et j’ai beaucoup de mal à associer Roxane aux ridicules peintes par Molière (bon, on parle pas d’une pièce que je connais vraiment, non plus).
Quant à la timidité, c’est un vaste sujet, c’est sûr. Il paraît que faire du théâtre c’est bon pour en venir à bout :-P
9 De Anne -
Pour te faire sourire sur la passion de tes lecteurs, me suis rendu compte hier que “mon” Cyrano n’était pas dans mes étagères. Selon toute probabilité, il est donc chez mes parents (mais je leur ai volé des livres aussi, c’est ok).
Du coup je l’ai commandé ce matin, parce que je sens bien que ma mémoire va être légèrement insuffisante dans pas trop longtemps ^^
(Normalement, du coup, je retrouve mon vieil exemplaire dans les 5 minutes qui suivent la livraison du nouveau. C’est comme ça que ça se passe généralement).