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Photo affiche Unique au monde : Noé Cendrier, chapeauté, imberbe, 3/4 face, moue dubitative/amusée

Argument

Je est un homme. Jeune encore. Un peu velléitaire. Écrivain ? Il va nous faire le récit (au passé) de son étrange aventure, non pas tant à destination d’un public auquel il ne croit pas que pour se prouver que c’est arrivé. Au début, désireux de trouver la sérénité nécessaire à sa création (ou soucieux de cacher son incapacité à écrire au fond de la forêt), il s’est isolé dans un recoin de verdure, loin de toute civilisation – deux heures de marche pour le premier village. Un matin, la radio se tait. D’un naturel peu inquiet, il attend une semaine pour quitter sa retraite. Il retrouve alors le monde qu’il a laissé, moins les gens… Plus personne nulle part, mais pas non plus de cadavres ou de ruines. Face à toutes sortes de créatures – les bêtes, elles, n’ont pas disparu – il tente de se réorganiser une existence, avec la maladresse confondante du solitaire soudain esseulé. Il recevra l’aide, fictive mais bienvenue, de gens qu’il a connus : ami fidèle, ancien amour, patron de bistrot, automobiliste acariâtre… et Armelle. Interrompant, parasitant le récit, apparaissent des personnages bizarres et cocasses, parlant au présent, dont on devine peu à peu qu’ils viennent de Je et s’imposent à lui, et dont le délire assumé contrebalance la folie qui gagne Je peu à peu…

Je et les autres

Je Je, personnage central et narrateur. Foncièrement citadin, il est visiblement incapable de s’adapter à un monde qui le prive de son petit confort. Il tente de faire le récit raisonné d’une situation aberrante, cherchant à se prouver à lui-même qu’il n’a perdu ni sa cohérence, ni son sens de l’humour, humour qui ponctue d’un sourire incrédule l’invraisemblable horreur de sa situation.

Le Professeur Le Professeur d’impatience apparaît le premier pour nous faire la leçon : le monde appartient à ceux qui n’attendent pas, et le calme est père de tous les vices. Sec et cassant, il est le cauchemar de tout élève, même le plus attentif. Son programme est d’ailleurs clair : « Je ferai de vous des boules de nerfs ».

Le Coach Le Coach vient nous galvaniser afin de nous amener au top de nos capacités physiques et psychiques pour gérer le bercement du hamac et chanter Fais dodo plus vite que notre ombre. Pourquoi ? Mais pour remporter la prestigieuse coupe du paresseux…

Le ChanteurLe Chanteur a un problème : « Regardons les choses en face. Je ne sais pas ce que vous foutez là ! » Sa chanson est affligeante, il n’a pas de voix, il a du mal à plaquer deux accords de guitare sans se gourer. C’est pas grave, il nous la chantera quand même.

Le PolitiqueLe Politique, dernier représentant de cette étrange faune propose un programme simple : « Retirer un maximum d’avantages du mandat que vous me confierez et faire de la peine à un minimum de gens ». Et ainsi éradiquer la corruption en l’incarnant tout entière et purifier la classe politique en dénonçant toutes les malversations dont il profitera.

Mise en scène

La fin du monde pour demain matin. Au réveil. Comme ça. Sans prévenir. Alors qu’on croyait avoir tout fait pour se mettre à l’abri. Tranquille. Tout seul dans son coin. Peinard. D’abord on n’y croit pas. C’te bonne blague. On va pas nous la faire.Tout seul d’accord, mais y a des limites. Besoin de s’isoler, oui. Mais à condition de savoir que le monde est là, qu’il continue de tourner, sans nous certes, mais proche et accessible quand on veut, quand on le décide, quand on a besoin de lui. On n’en refuse que les inconvénients, la promiscuité, les contraintes. Mais eh ! oh ! on en fait partie bordel. Déconnez pas les copains. C’était pour rire. L’homme est un animal social. J’ai besoin de vous. J’ai besoin.

La thématique d’Unique au monde !, originale et universelle, se concluant sur ce qui ressemble bien à un appel au secours, nous rappelle s’il en était besoin que l’homme, si érémitiques que soient ses choix, ne peut vivre sans l’homme.

Un comédien seul en scène est une forme de spectacle à part au théâtre. Seul, celui-là ? Pas tout à fait. Un petit tabouret à trois pieds l’accompagne. Avec lequel il va nous faire apparaître et voir, en véritable prestidigitateur, tout ce qui a disparu autour de lui, remplir le vide apparent qui l’entoure de tout ce qui a constitué sa vie d’avant, objets, vie sociale, paysages, bestiaire, fantasmes. s’appuyant sur un texte enlevé, alternant l’humour, l’émotion, la vitalité et la réflexion pour la plus grande joie du spectateur.

Luc Cendrier

Les costumes

Je est un citadin qui vit à la campagne, un intellectuel accomplissant des tâches paysannes, un rescapé d’une catastrophe totalement impalpable et, pour couronner le tout, un homme absolument seul sensible aux regards portés sur lui. Son costume se doit donc de le laisser assumer joyeusement et simplement ses contradictions internes. Sans compter que Je est parfois un autre, et même plusieurs autres sans cesser d'être lui-même ! Le costume de base est par conséquent de forme assez neutre, dans des teintes chaudes : chemise col mao safran, pantalon de peintre châtaigne, bottines marrons. Chacun des quatre avatars de Je rehaussera cette base d’un accessoire et d’un couvre-chef significatifs, décoiffant progressivement Je, dans un vent de folie grandissante.

Julie Deljéhier

Le décor

Le plateau est vide, à l’exception d’un perroquet en fond de scène où attendent les couvre-chefs des quatre « fantômes de Je » et d’un tabouret de traite sur lequel Je est assis quand commence le spectacle. Le perroquet signale que tout est en place pour l’avènement de la folie de Je. Après chaque intervention d’un « fantôme », son chapeau et son accessoire restent sur le plateau, l’envahissant peu à peu, pour finalement évoquer un certain chaos, les tracts du Politique jonchant le sol. Le tabouret, quant à lui, est l’objet universel, faisant tour à tour office de masse, de robinet, de casque de hockeyeur, de tribune, de coupe, de hamac, d’ordinateur, de chemise, de lit, de réchaud. voire de tabouret pour traire une vache.

La « musique »

Une bande son ouvre le spectacle, puis annonce les transitions de Je aux autres. Chaque morceau a sa propre atmosphère, annonçant ce qui va suivre. Mais c’est surtout une musique sans musicien. Je, ainsi qu’un fantôme nous le laisse supposer, n’a aucun talent particulier en la matière – et on ne voit pas qui, à part lui, pourrait jouer. La partition sonore est donc constituée d’un assemblage hétéroclite de bruits naturels et de cris animaux, qui ajoute une dimension sensorielle à l’étonnant univers du pauvre Je.

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